Le Gaullisme
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Editorial de Julien AUBERT

JAubert.jpgAprès une invraisemblable première partie de campagne marquée par la calomnie, les attaques ad-hominem et les coups-bas, la campagne présidentielle se termine par un second tour hystérique.

C'est exactement cette situation que je souhaitais éviter, et le vote Fillon en était la clé. Cette instruction de vote là n'a pas été suffisamment écoutée et je ne peux que constater un immense trauma national.

L'électeur de Droite se trouve désormais pris au piège d'un second tour manichéen où chacun joue sur des clivages caricaturaux et une guerre d'images. Il est fou de dire que le second tour est joué, ou qu'il n'y aurait pas à réfléchir. Au contraire, 15 ans après la qualification de Jean-Marie Le Pen, ce serait une erreur que de laisser ainsi s'installer le non-débat en expliquant aux gens qu'il n'y a plus à penser. 50% des Français ont voté pour mettre à bas le système. Il faut que les Français assument ce second tour qu'ils ont appelé de leurs voeux, et qu'ils prennent conscience du tragique de la situation. Ne pas débattre c'est mépriser quelque part le choix des autres, et donc alimenter le fossé national. Or, nous serons tous comptables du résultat car le fossé perdurera au-delà de l'élection.

Dans la cacophonie ambiante, j'ai délibérément préféré ne pas donner de consigne de vote, et ce pour plusieurs raisons :
1. Parce que je crois que ces consignes sont d'un autre âge et que chaque électeur doit, en âme et conscience, se prononcer. Appeler à voter pour quelqu'un, c'est quelque part se porter garant engager sur la suite, alors que les deux candidats n'ont quasiment aucune expérience gouvernementale. Je n'aurais pas voulu appeler à voter pour Hollande en 2012 : je m'en serais voulu d'avoir pavé la voie de mesdames Taubira ou Valaud-Belkacem. Au surplus, en tant qu'électeur, je n'ai jamais écouté ce type de consigne.

2. Parce que chacun a un avis différent et qu'au lieu de fédérer, le consensus autour de l'appel à voter parmi les cadres (qui va de Macron à Blanc) contraste avec la diversité des opinions sur le terrain.

3. Parce que l'empressement avec lequel une partie de la Droite a appelé à voter à Gauche a choqué des électeurs qui n'ont pas pu faire leur deuil, accepter psychologiquement un candidat qu'ils critiquaient allègrement quelques heures auparavant. Ce n'est pas tant la nature même de l'appel à voter (somme tour assez prévisible) que la fluidité avec laquelle ce basculement s'est opéré qui a choqué, voire qui a renforcé les craintes d'une collusion des élites, exactement le grain à moudre dont avait besoin le FN pour cliver.

4. Parce que ces consignes ont eu un effet particulièrement contreproductif sur un électorat sorti très amer de cette campagne à l'égard de ses chefs. Je mets en garde mes collègues qui croient bien faire : l'esprit de contradiction est tel que cette semaine, plus les appels se sont multipliés, plus j'ai croisé des électeurs excédés - et parmi eux des centristes de longue date - s'apprêtant à voter différemment des consignes. L'usage de l'autorité morale à grands renforts de récupération symbolique ne peut plus fonctionner dans une société où la défiance à l'égard du politique est gigantesque. La menace ou la coercition est une très mauvaise façon de convaincre.

5. Parce qu'il faut clarifier le sens donné à cet appel au vote. La nature politiquement floue du En-Marchisme fait que s'y rallier donne le sentiment - à tort ou à raison - d'embrasser certaines idées d'Emmanuel Macron. Lorsque Lionel Jospin appelait à voter Chirac en 2002, cette ambiguïté idéologique n'existait pas car les corpus étaient clairement opposés. Le bruit a couru que certains LR ou UDI gouverneraient sans difficulté avec Macron, c'est à dire quelque soit le résultat des législatives, dans un gouvernement de coalition centriste. Il y a donc une ambigüité à lever entre ceux qui appellent au vote "en contre" pour éviter le FN, et ceux qui lancent un appel au vote "par adhésion" ou par débauchage individuel.

J'ai vu des gens invoquer les mânes du Général de Gaulle pour appeler à voter pour l'un ou pour l'autre. J'en ai vu d'autres me reprocher implicitement de ne pas être plus vocal sur ce sujet. Ce sont généralement les mêmes qui se sont cachés de septembre à mars quand il fallait défendre notre candidat, mais il est toujours plus facile de faire la leçon lorsqu'on n'occupe aucune visibilité ni responsabilité élective.

Mon avis ne vaut pas brevet de gaullisme, et il n'engage que moi, mais je pense que Charles de Gaulle aurait eu peu d'atomes crochus avec un disciple de Jacques Attali plaidant pour une fédéralisation européenne, fils caché de Servan-Schreiber, confondant colonisation et crime contre l'Humanité, et encore moins avec la responsable politique d'un parti fondé par ses pires ennemis où l'on croise encore des nostalgiques de Vichy ou des identitaires. On peut le penser plus proche de l'un ou de l'autre (Pompidou était un banquier de chez Rothschild !), mais c'est à mon avis glissant.

C'est pour cela que le RBL a été créé : pour que les héritiers du gaullisme patriote fassent la différence avec le pâle ersatz qu'est le RBM. Le général de Gaulle voulait une France forte mais ouverte. Il ne voulait ni d'une Europe des cabris, ni d'une France solitaire. Néanmoins, le meilleur service qu'on puisse lui rendre c'est de ne pas jouer son ventriloque.

La réalité est que je pense qu'il faut aller vers plus de souveraineté, de protection des Français (notamment des classes populaires) dans le grand vent actuel de la libre concurrence, et de primat du politique sur l'économie, soit dans le sens contraire prôné par Emmanuel Macron, mais que Marine Le Pen (ou d'ailleurs Jean-Luc Mélenchon) est la pire des candidates pour accomplir cette politique. Sa politique économique est un non-sens et fait courir un danger grave à l'économie française. Son caractère clivant fait qu'elle est un épouvantail et que sous couvert de défendre plus de patriotisme, elle permet à nos adversaires idéologiques de gagner les élections.

En conclusion, que dire ? Je croise des Vauclusiens désorientés qui s'apprêtent à voter dans tel ou tel sens, en se demandant qui ils détestent le moins. Voter est un acte cruel car il nous oblige à faire des choix. Je m'abstiens de juger le choix des autres, car nous allons de toutes manières vers un chaos institutionnel et politique. Le policier victime de la haine hier des manifestants augure d'une période de troubles préoccupante.

En sens inverse, je demande la même tolérance à l'égard de ma démarche.

Ne pas donner de consigne ne signifie pas que je n'ai pas fait mon choix, "in pectore". Il y a un choix que mes valeurs gaullistes excluent sans équivoque. Il y a un choix auquel mes convictions se dérobent par cohérence intellectuelle. Et pourtant je n'aime pas l'idée de ne pas choisir. Rendre publique ma conclusion serait finalement donner une consigne.

Ce qui est certain, c'est que Macron comme Le Pen n'hésitent pas sur les consignes de vote me concernant, ce qui prouve bien que la Droite ca n'est ni la Gauche, ni l'Extrême-Droite. Contrairement à d'autres députés LR, que le FN veut contribuer à faire réélire en ne mettant aucun candidat, j'aurai face à moi aux législatives le bras droit de Marion Le Pen, la meilleure preuve que le FN n'aime les gaullistes que lorsqu'ils sont malléables. Qui peut penser que le FN nous veuille du bien ?

Quant à Emmanuel Macron, dont on murmure qu'il pourrait faire élire des députés LR en Paca "majorité présidentielle" en évitant d'investir des candidats En Marche, il s'est empressé de désigner parmi ses 14 premiers choix un candidat dans ma circonscription, et pas n'importe lequel : un habitué des plateaux TV, intellectuel à la mode à Paris, proche de Hollande et de Guérini. Qui peut penser qu'En Marche soit notre ami ?

Aussi, s'agissant de mon positionnement idéologique, que ce soit clair : Le Pen ou Macron, je serai dans l'opposition philosophique et politique si je suis réélu député, et je crois qu'ils l'ont compris. Ma seule consolation est de me dire que dans la ruine morale de cette présidentielle, l'espoir d'une Droite nouvelle n'est pas mort car il reste la bataille des législatives.

Comme le dit Apollinaire* :

« Et je chantais cette romance

En 1903 sans savoir

Que le poète à la semblance

Du beau phénix s'il meurt un soir

Au matin voit sa renaissance."

NDLR : * La Chanson du Mal-aimé

Julien AUBERT, député Les Républicains du Vaucluse, membre du Conseil de présidence du Club Nouveau Siècle


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